Performances pour film


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2008 2006 1983 1977

 


2008

Sagoma, 2008
16 mm, performance pour film, encre, écran, ciseaux, sil., 40 min. environ
Première le 16 octobre 2008 au Lucca Film Festival (Lucques, Italie).

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2006

Ultra, 2006
16 mm, Performance pour boucles, peinture, 2 projecteurs, obturateurs manuels et corporels et écrans modifiés, environ 40 min.
Première le 12 mai 2006 à la Film gallery (Paris).
Prix du MoCA (Museum of Contemporary Cinema), Madrid 2007

>>Peinture en direct sur 2 boucles de films, composées pour partie de lumière optique et de pellicule transparente, et projetées en superposition. La perception de l’oeuvre se modifie au fur et à mesure que les couleurs peintes recouvrent la pellicule transparente. Le déphasage des boucles induit une infinité de combinaisons possibles entre couleurs optiques et couleurs peintes. Chaque performance est unique. A l’issue de la performance, les boucles peintes peuvent être exposées comme œuvre d’art à part entière.

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>>Ultra is a live performance using two projections superimposed on the same screen. Short loops composed of vividly colourful and completly transparent film phase in and out of synch as French artist Christian Lebrat gradually intervenes into the work. By applying gestures of coloured ink directly onto the moving filmstrip, and by using his body as a shutter, extraordinary luminous interactions and infinite complexities are created.

« Plasticité, effilements, nouvelle sensibilité. Prodigieux ! »
Raphaël Bassan (2006).

ULTRA CINEMA de Christian Lebrat

par Prosper HILLAIRET (mai 2007)

d’un côté

Extérieur, nuit, rue (1). Passant arrête-toi. Regarde. Sur la vitrine, un cadre lumineux, légèrement grisé. Un deuxième cadre. Les cadres se cherchent, se recadrent, leurs bords se superposent. Des ombres passent. Des bandes colorées apparaissent, disparaissent, reviennent. Un soupçon de lignes colorées surgit en s’effaçant. A-t-on bien vu ? Puis une ligne, bleue, s’installe, vibrant sur le fond lumineux, puis une verte. Les bandes réapparaissent. Parfois les lignes seules, parfois les lignes sur les bandes. Les lignes chevauchent les bandes, se nouent, se mélangent entre elles. Les lignes se multiplient, en nombre, en couleurs. Traces colorées éphémères, flammèches d’un incendie de couleurs. Des ombres, à nouveau, passage de quelques personnes dans un instant de flux lumineux. Masse noire des silhouettes en contraste avec les lignes de couleur, ou contour broussailleux des cheveux qui leur font écho. Et les lignes, donc, toujours. Au trait appuyé, peu appuyé, large, fin, épais, léger. Ces différences graphiques, et les différences chromatiques, créant des effets de profondeur. Un temps, des battements de bras, des battements de Lebrat. Et les lignes repartent. Foisonnent, buissonnent. Dansent et se densifient. Puis des battements noirs, puis de la lumière, puis des ombres, puis des lignes, des couleurs … Retour et tourbillon.

Du noir, de la lumière, des couleurs. Du cinéma ? De l’Ultra-cinéma.

de l’autre côté

Intérieur, galerie, noir. Deux projecteurs. Un homme derrière les projecteurs. Christian Lebrat, le cinéaste sans caméra. L’homme aux projecteurs. Quelques feutres à la main. Un ruban pellicule tourne en boucle dans chaque projecteur. Sur les pellicules des extraits de Holon, une œuvre précédente de Lebrat. Ici, il va produire le « film » à la main : le cinéaste-peintre trace des lignes colorées sur les pellicules qui tournent dans les projecteurs, lignes qui seront aussitôt projetées, donc, sur l’écran-vitre en face. Des Spectateurs-acteurs passent dans le faisceau lumineux. Des spectateurs-passeurs dans la rue.

des deux côtés

Le processus du cinéma optique est d’impressionner la surface sensible, de développer et projeter. De ce processus en trois temps, Lebrat ne retient que le troisième. A l’impression et au développement, procédé optico-chimique, se substitue l’inscription directe de pigments sur la pellicule, procédé manuel-graphique. Déjà les futuristes Corra et Ginna, en 1912, avaient, les premiers, supprimé la surface sensible, peignaient sur la pellicule, sans savoir dans un premier temps ce qu’ils allaient obtenir, puis projetaient, sur un écran, le résultat, « un mélange de couleurs s’étendant dans le temps » (Corra) (2). Lebrat repart de cette expérience matricielle de tout film graphique, tout en déplaçant les termes du processus. D’une part, il cherche moins comme Corra et Ginna la fusion des couleurs, mais surtout d’autre part, il raccourcit le circuit puisqu’il rapproche presqu’en un même geste l’inscription et la projection.

Même si les futuristes n’avaient aucune idée de ce que leur composition picturale allait donner dans le temps de la projection, surtout lorsqu’il le firent pour la première fois, ils pouvaient, par la suite en apprécier et en contrôler l’effet : « posséder la faculté de voir projeté mentalement sur la toile le déroulement du motif que le pinceau étend progressivement sur le celluloïd » (Corra). Lebrat ne s’offre pas le temps de cette projection mentale. Il peint et projette dans l’instant. Pas de repentir, pas de remords. Le geste graphique intervient « juste avant » le geste cinématographique. De la main à la pellicule, de la pellicule à la fenêtre de projection, de la fenêtre à l’écran, en un éclair de temps. Production, projection, vision dans le circuit le plus court possible, immédiat. Ce qui ne voudra pas dire qu’avec « l’expérience », il ne pourra pas « maîtriser » lui aussi le résultat sur l’écran, mais il sera toujours plus proche d’un musicien improvisant que de ce que le processus cinéma, graphique ou photographique, permet avant la projection finale : la reprise. Ici, pas de reprise. Inscription/projection en direct. Et en fait, Lebrat échappe ainsi à l’idée d’une « bonne forme », toute forme est la bonne puisque c’est ainsi qu’elle s’est formée. Chaque prise, graphique, est la bonne. On ne la refait pas, on n’assure pas, le cinéma est un art vivant. L’instant est unique, l’œuvre en cet instant est unique. L’œuvre d’art à l’ère de son irreproductiblité technique. Ductile et irreproductible.

Même si la pellicule garde les traces des inscriptions colorées, elle n’est pas l’œuvre vivante dans son geste irremplaçable, elle devient l’empreinte d’un « ça a eu lieu », image figée d’un « ici et maintenant », qui peut entrer à son tour dans le circuit de la reproduction : copie film, vidéo, numérique … la pellicule peut même être accrochée, et non plus projetée, atteignant ainsi à une dimension d’exposition. D’avoir été cinéma, le temps d’un instant, la ligne, la couleur, redeviennent alors peinture.

exposition/projection, peinture/cinéma

Face à face, de surface à surface. Surface de la pellicule, surface de l’écran. De la main à la toile, du manuel au visuel, le geste de la projection rapproche les pôles éloignés de la peinture et du cinéma. Par delà la vitre, Ultra cinéma. Lebrat, conciliant dans l’instant les deux côtés, a trouvé, sans détour, le plus court chemin, le raccourci, si le cinéma est vitesse, du graphique au cinégraphique.

Prosper Hillairet (mars 2007)

1) Ce récit fait référence à la projection d’Ultra en mai 2006, à la Film Gallery. Le film-action était projeté sur la vitrine de la galerie, visible de l’intérieur et de l’extérieur, des deux côtés de la vitre. Toute présentation de cette performance étant par nature unique, les autres occurrences présenteront biens sûr des variantes à la version ici décrite.

2) Bruno Corradini, « Cinéma abstrait, Musique chromatique », in Cinéma : Théorie, lectures, Paris, Klincksieck, 1973.
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1983

Pictures, 1983
16 mm, couleur, performance pour 2 projeteurs anamorphoseur et gélatines de couleur.
Première en janvier 1983 au Centre Pompidou.

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1977

Liminal Minimal I et II, 1977
16 mm, couleur, silencieux, performance pour boucles et 2 projecteurs, environ 20 min. Film-performance for 2 mobile projectors.
Première le 16 janvier 1978 à la Maison des Beaux-Arts (Paris).
Collection : Centre Pompidou

« Christian Lebrat a réalisé depuis 1976 une vingtaine de films, vidéos et performances. Durant les années 1970 et 1980, il développe un travail sur l’abstraction qui a marqué l’histoire du cinéma expérimental et s’inscrit parfaitement dans la tradition inaugurée par De Stilj. Dans la série des Organisations en particulier, qu’il inaugure en 1977 et dont les images sont reprises en boucle dans la performance Liminal Minimal, Lebrat travaille à réinventer les unités de mesure du film en distribuant les couleurs selon des formules combinatoires. Dans cette performance, il manipule en direct, pendant la projection, deux projecteurs dans lesquels sont insérées des boucles de film. Les boucles sont constituées de bandes verticales de couleurs jaune, rouge et bleu, qui se déplacent latéralement selon des partitions prédéterminées. En jouant sur la dimension des images, la superposition ou la juxtaposition des deux écrans, leur inclinaison ou en manipulant le zoom des projecteurs, le cinéaste réinvente à sa manière le cadre de la projection cinématographique. Dans cette volonté de « repartir à zéro avec des formes pures », Christian Lebrat entend « sculpter l’espace » et transformer la couleur en pure « vibration ». »
Philippe Alain-Michaud (Architectures de film, 2010)

« On entre ici (Liminal Minimal) dans le domaine du cinéma « élargi » qui, dans la lignée du futurisme italien et du lettrisme, perturbe le sacro-saint rituel cinématographique (…) pour agrandir les possibilités visuelles. »
Dominique Noguez (1978)

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